Un chanteur de Grup Yorum arrêté !
Nos chansons vaincront!
Bruxelles, le 23 janvier 2004
Le chanteur Ihsan CIBELIK avait participé à la grève de la faim contre l’isolement carcéral au sein du 4e groupe de volontaires du fond de sa cellule de la prison de type F située aux confins de la région de Tekirdag (Nord-ouest de la Turquie). En 1998, il fut condamné à 12 ans et 6 mois de prison pour appartenance à l’organisation révolutionnaire DHKP-C (Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple). Il jeûna durant 258 jours (**) (du 11 mai 2001 au 23 janvier 2002) jusqu’au jour où il fut alimenté de force, suite à quoi, il fut atteint du syndrome de Wernicke-Korsakoff. Désormais souffrant d’ataxie et d’amnésie, les autorités lui accordèrent la liberté conditionnelle (alors qu’il ne l’avait pas demandée) pour une durée de 6 mois, en vertu de l’article 399 du code de procédure pénale et cela, afin qu’il bénéficie soi-disant de soins médi caux à l’extérieur.
Pourtant, hier, il a été arrêté en plein coeur d’Ankara alors qu’il suivait un traitement médical contre le syndrome dont il souffre.
Durant sa mise en liberté conditionnelle, il est monté plusieurs fois sur scène et a notamment chanté dans des cimetières, en hommage aux militants politiques assassinés, ce qui lui a valu d’être attaqué par la presse de droite qui l’accusait d’être “suffisamment en bonne santé pour être de nouveau mis sous les verroux”(***). Il travaillait au centre culturel Idil Can à Ankara. Il vivait en toute légalité à une adresse connue. Il participa au dernier album de Grup Yorum intitulé “Yürüyüs” (la marche) sorti la semaine dernière.
A travers cette “stratégie” de libération conditionnelle accordée aux prisonniers mutilés par la torture de l’alimentation, les autorités voulaient en réalité se débarrasser des résistants et ainsi diviser le mouvement de grève de la faim.
L’article 399 n’est aujourd’hu i plus d’application. Des centaines de vétérans du jeûne de la mort dont certains ne se souviennent même plus des raisons de leur incarcération risquent aujourd’hui d’être à nouveau jetés dans les oubliettes de type F.
“Ils ont peur de l’espoir, Robeson, peur de l’espoir (…)
Ils ont peur de nos chansons, Robeson.”
Nâzim Hikmet.
Le souci affiché par le pouvoir pour la santé des grévistes de la faim est une tromperie infâme. Ce pouvoir n’a en effet jamais respecté ni le droit à la santé, ni même le droit à la vie des prisonniers politiques. Celui-ci n’a pas hésité à achever des grévistes de la faim avec des lance-flammes et des bombes incendiaires. Les tortionnaires qui dirigent la Turquie n’ont pas hésité à assassiner 107 de nos camarades.
Aujourd’hui, si ces tortionnaires ont décidé de remettre des personnes handicapées en prison, c’est pace qu’à l’intérieur comme à l’extérieur, ils craignent la résistance. Ils ont pe ur de la moindre velléité de protestation. Ils ont peur de nos chansons…
Liberté inconditionnelle pour Ihsan Cibelik
Abolition de l’isolement dans les prisons de type F!
TAYAD Komite-Bruxelles
Remarques
(*) Grup Yorum : Groupe musical révolutionnaire dont les membres ont été arrêtés et torturés des centaines de fois. Trois de ces musiciennes sont mortes : deux d’entre elles assassinées par la police et une troisième, décédée durant la grève de la faim de 1996. Né au lendemain du coup d’état fasciste du 12 septembre 1980, le groupe Yorum s’était assigné pour tâche de lutter contre le processus de dépolitisation de la société amorcé par la junte militaire à travers leur répertoire militant et populaire, leur mode de vie humble et leur engagement politique. Après 19 ans d’existence, le groupe Yorum a à son actif plus de 400 procès. Plusieurs centaines de ses concerts ont été interdits. 15 de ses membres ont été arrêtés. Leurs inst ruments été ont maintes fois confisqués et détruits par la police et les militaires. Mais malgré cela, Grup Yorum a réussi à sortir 19 albums et à en vendre plus de 3 millions d’exemplaires !
(**) Durant le jeûne, les grévistes de la faim recourent à une absorption ” élective ” de vitamine B 1 dans le but de préserver leurs fonctions vitales de base, y compris les facultés intellectuelles
(***) Vakit, 17 juillet 2003